• La lune


     
    La lune


    Un petit caillou rond et blanc
    danse et file, sur ses propres reflets,
    le long des quais.

    Elle est seule la lune dans ce grand trou obscur,
    solitude puissante qu'un seul soleil éclipse
    et le temps d'un silence, d'une joie sidérale
    des amours en volutes, des larmes irisantes

    aux secrets arrachés des cahiers envolés,
    pénètre lentement Ô douce Séléné,
    le seuil du firmament dans un long gémissement.

       
    Ce soir, elle s’étire, timide et brulante
    comme la chair d'une mangue dans un palais gourmand,
    et la mer se défroisse aussitôt sans effort.
    Alors elle s’élance stridente et pâle
    telle une colonne ardente au large des vents marins. 
    Insaisissable lueur, tremblante et sautillante,
    sur les remous du port.
     
    Je plonge mes bras dans l'eau et la saisit pourtant
    dans le creux de mes mains.
    Belle et libre elle virevolte. Un instant, du bonheur,
    s'écoule désinvolte sur un corps déjà mort,
    puis elle se défait, candide, facile et nonchalante.

    Une goute de rien s'écoule dans les ténèbres,
    retourne au loin, aux océans sans fin,
    aux genèses éternelles des lendemains grisants.
     
    Une note de musique ronde et rousse
    aux contours tremblés et aiguës s’élève nonchalante,
    et comme un cris perçant, suinte le désespoir
    de la ville encombrée.
    Elle est loin la lune, scintillante, effilée,
    feline et ondulante sur la cime des arbres.
    Par delà les forets, les silhouettes troublées
    des rêves enlacés aux arcanes enchantées,
    s'engouffre dans les êtres, telle une lame de fond,
    emporte leurs raisons aux profondeurs déchues.
     
    À l'aube, elle se fige, hautaine et invincible.
    coupant la belle artère de la Palma déserte.
    Étourdie et sensuelle, passe comme un soupir,
    par l'asphalte fuyant vers les toits de Madrid
    Un rond de fumée,  des pavés laminés,
    les premiers pas troublés sous un ciel égaré
    une rosée dense et crasse et le regard d’Orphée.

    Je lance mes bras dans l'air et la saisie prudent
    à l’orée du délice, dans l'antre de ma démence.
    Douce et effarouchée, beau papillon de nacre,
    elle s’évanouit ardente loin des désirs éteints.
    Des lignes électriques aux portées musicales
    s'accouplent en frémissant aux routes ignorées,
    à son œil perçant et enfin délivrés
    des crépuscules divins aux espoirs tranchées.

    Elle me rapproche de toi...